Il y a quelques jours, nous célébrions encore la Journée internationale des droits de la femme. Une célébration grandiose s’est déroulée à travers des manifestations (fêtes d’entreprises), des publications sur les réseaux sociaux et des rencontres de féministes. Je me souviens encore que lorsque je suis sorti de la maison ce jour-là, j’ai vu des femmes toutes coquettes dans le pagne dédié à cette journée. Il y avait des publications sur les réseaux sociaux et un engouement fou autour de cette journée. Et le lendemain, un calme total. Les seules personnes que nous entendons encore sont les activistes. Mais en ce qui concerne la population, les habitudes n’ont pas changé et nous attendons patiemment le prochain 8 mars. Cette situation m’a interpellée et je me suis posé certaines questions : sommes-nous toutes conscientes du combat à mener ? Avons-nous toutes la même vision ? Agissons-nous réellement comme des féministes et des personnes qui veulent changer les choses et améliorer leurs conditions ? Mon avis sur la question.
« L’idée n’est pas seulement de se plaindre, de revendiquer nos droits et de mener de grands débats, mais d’agir dans les plus petites actions de notre vie et de prendre en compte les minorités pour que le changement soit effectif. »
Comme je le disais en introduction, la journée du 8 mars a été meublée par plusieurs initiatives ici à Abidjan et dans le monde entier.
Des initiatives qui sont louables, mais qui ne sont pas accompagnées d’actions concrètes surtout venant des femmes elles-mêmes. Alors j’ai décidé de partager avec vous 4 comportements que j’ai remarqués et qui, selon moi, font frein à l’efficacité des actions féministes.
- Un combat qui manque d’identité
Aujourd’hui, nous avons l’impression que nous cherchons plus à ressembler à des hommes plutôt qu’à lutter pour nos droits fondamentaux, l’égalité des chances et l’amélioration de la gent féminine.
D’abord, j’ai l’impression et c’est mon avis que nous faisons une fixation sur les hommes et notre comparaison vis-à-vis d’eux. Alors que nous devrions chercher à nous concentrer sur nos forces, notre développement personnel et la solidarité constituent des actions concrètes pour notre autonomisation.
Ensuite, le constat fait est que les mouvements féministes ont l’air de se référer et de copier les modèles occidentaux, ce qui est une grosse erreur, car nos réalités, nos cultures et nos conditions de vie sont différentes. Ici, en Afrique, nous avons avant tout le poids culturel et la condition de femme noire au niveau international qu’il faut prendre en compte. Car avant même de lutter pour nos droits, nous devons sortir des complexes et nous faire accepter dans la sphère mondiale en tant que femme noire qui s’assume et s’aime. Aussi, nous avons nos cultures qui sont différentes de celles des Européens. Il faut d’abord faire le point de nos valeurs culturelles qui ne sont pas toutes à jeter, en tirer celles que nous pouvons garder, et mener notre lutte contre celles qui sont dévalorisantes (excision, le patriarcat en tant qu’héritage de la colonisation, VBG…) et mettre en valeur certains pans positifs (tels que le matriarcat et la place importante des femmes). Et oui, au-delà de tout ce que nous pouvons dire dans certaines cultures africaines, les femmes ont toujours été mises en avant et jouées des rôles prépondérants. De plus, il serait bien que nous puissions faire le point sur les types de féminismes africains qui ont été développés par nos devancières tels que le maternisme, le negofeminisme, le féminisme de l’escargot, le stiwanisme, pour ne citer que ceux-là. Les revisiter et les adapter à nos combats d’aujourd’hui.
2) Un manque de vision commune et l’exclusion des minorités
J’ai l’impression que le combat féministe n’est fait que par les intellectuelles et les femmes d’un certain rang social. Il y a un manque de vision commune. Ce n’est pas étonnant de voir que sur des plateaux télé, des femmes nous disent qu’elles veulent être indépendantes vis-à-vis des hommes, et qu’au niveau de la population, certaines ne se reconnaissent pas et veulent dépendre entièrement des hommes.
Également, des conférences sont de plus en plus organisées, dans des bureaux, de grandes salles de conférences avec des femmes toujours belles et bien habillées. Mais représentent elles toutes les femmes africaines. Nous savons qu’en Afrique la majorité des femmes sont analphabètes et vivent en dessous du seuil de pauvreté. Selon le site, observatoire des inégalités, les femmes sont beaucoup plus souvent concernées par l’analphabétisme que les hommes. En 2019, 17 % des femmes dans le monde ne disposent pas de compétences en lecture ou en écriture, contre 10 % des hommes. La proportion s’élève à 41 % des femmes en Afrique subsaharienne. En Côte d’Ivoire, 63,7 % des femmes sont analphabètes, selon l’Institut National de la Statistique de Côte d’Ivoire, en 2015. Alors, où sont-elles dans nos débats télévisés, leurs conditions et préoccupations sont-elles prises en compte se sentent-elles concernées par le combat ? Voici des questions qu’il faut se poser, car ces femmes constituent une partie importante de la gent féminine ivoirienne et africaine. Leurs avis et préoccupations doivent être pris en compte. Et selon moi, je doute qu’elles puissent savoir ce que c’est que le féminisme. Elles sont pourtant mères et devront éduquer d’autres filles.
3) Le manque de solidarité féminine
Nous manquons de solidarité féminine.
En premier lieu, dans les entreprises. Les femmes devraient se soutenir mutuellement et s’aider à évoluer. Mais à défaut de cela, nous constatons que bien souvent, il règne un esprit de compétition, parfois pas forcément lié au travail, mais le plus souvent à qui est la plus belle, qui s’habille le mieux. On cherche à être le centre des attentions.
Puis les femmes devraient mieux traiter leurs employées de maison.
Certaines femmes traitent mal leurs personnels (femme) de maison. Des injures, de la maltraitance des paroles dévalorisantes. Tout cela constitue un frein au féminisme et au développement de la gent féminine. Ces filles sont en majorités analphabètes et issues des zones les plus reculées du pays. On devrait pouvoir faire des remarques constructives, leurs faire comprendre le pourquoi de nos recommandations et dans le respect de la dignité humaine. Aussi les aider à se réaliser les inspirer être un modèle pour elles et si possible leur apporter un accompagnement moral.
De même amener les jeunes générations de femmes à ne pas faire les mêmes erreurs que nous, les outiller pour une prise en main du combat et se réjouir de leurs évolutions. (Chose qui se fait le plus souvent à travers certains programmes d’accompagnements initiés par les ONG)
Enfin, il faut développer une compassion. Créer un mécanisme selon lequel, à chaque fois que nous voyons une femme dans une difficulté, nous puissions nous voir à travers elle et la secourir.
4) La négligence de l’exemple de nos mères
Nous sommes à la recherche des grands modèles de féminisme, alors que nos mères sont le premier exemple.
Toutes ces femmes qui se battent au quotidien pour assurer le bien-être de leurs familles et lutter contre la pauvreté. Ces femmes, qui s’organisent, s’autofinancent à travers des initiatives telles que les tontines pour développer leurs activités. Elles n’ont pas forcément toutes les chances de leurs côtés, mais arrivent à s’en sortir. Elles devraient être nos premières sources de motivation et nous devons nous en inspirer.
Ce qu’il faut retenir, c’est que les combats féministes ont tous leurs places dans nos sociétés africaines. Mais ils auraient plus d’impact s’ils commençaient par une vision commune qui prend en compte les minorités, un combat en lien avec nos réalités locales, la solidarité féminine et la valorisation de nos mères qui constituent des exemples de femmes battantes.
2 Responses
Bonjour chère Carine Désirée Yao, votre article est plus que pertinent !
Je n’ai absolument rien à ajouter à votre article qui rayonne d’une vérité et d’une actualité inéluctable ! La question est fondamentale, si nous sommes toutes/tous convaincus d’une chose c’est l’importance fondamentale de mener la lutte féministe, faire de cette lutte notre cheval de bataille, puisque c’est une question de vie. Mais cette lutte déjà difficile, pour réussir à conquérir, gagner des batailles il faut absolument cette notre lutte féministe se structure, il nous faut une stratégie, un plano. Bien sur que d’un pays a un autre, d’une ville a une autre, d’une culture a une autre il faut adapter les stratégies, réinventer les stratégie pour lutter efficacement, mais tout cela doit naitre d’une structure : une vision commune, une identité, des combattantes et des combattants animées/es du même esprit, de la même volonté, déterminées/nés de produire le changement, qui produire les mêmes droits pour toutes et pour tous, qui donnera les mêmes chances, les mêmes opportunités et les mêmes responsabilités a toutes et a tous. L’élégance, nos tables rondes et nos discours du 08 Mars ne suffiront pas…Il nous faut faire équipe, faire Bloc….un baitaillon..
Merci encore chère Carine pour cette réflexion importante.
A reblogué ceci sur La longue marche pour la libertéet a ajouté:
Bonjour chère Carine Désirée Yao, votre article est plus que pertinent !
Je n’ai absolument rien à ajouter à votre article qui rayonne d’une vérité et d’une actualité inéluctable ! La question est fondamentale, si nous sommes toutes/tous convaincus d’une chose c’est l’importance fondamentale de mener la lutte féministe, faire de cette lutte notre cheval de bataille, puisque c’est une question de vie. Mais cette lutte déjà difficile, pour réussir à conquérir, gagner des batailles il faut absolument cette notre lutte féministe se structure, il nous faut une stratégie, un plano. Bien sur que d’un pays a un autre, d’une ville a une autre, d’une culture a une autre il faut adapter les stratégies, réinventer les stratégie pour lutter efficacement, mais tout cela doit naitre d’une structure : une vision commune, une identité, des combattantes et des combattants animées/es du même esprit, de la même volonté, déterminées/nés de produire le changement, qui produire les mêmes droits pour toutes et pour tous, qui donnera les mêmes chances, les mêmes opportunités et les mêmes responsabilités a toutes et a tous. L’élégance, nos tables rondes et nos discours du 08 Mars ne suffiront pas…Il nous faut faire équipe, faire Bloc….un bataillon..
Merci encore chère Carine pour cette réflexion importante.